Prix International de la Ville de Genève 2000

Chaos, Lone Sloane, Paris, éditions Albin Michel, 2000
dessin et scénario de Philippe Druillet.

Chaos, p. 57, croquis préparatoire, crayon sur papier	Chaos, p. 57, planche définitive, encre de Chine sur papier	Chaos, p. 58, planche définitive, encre de Chine sur papier	Chaos, p. 58, planche définitive en couleur, mise en couleur sur papier, gouache et acrylique

En 1966, Philippe Druillet crée le personnage de Lone Sloane et bouleverse les sages conventions de la bande dessinée. Les cases volent en éclats et s'enchâssent dans des compositions psychédéliques enluminées d'éléments décoratifs. Chaque planche est pensée comme un tableau que le lecteur aborde dans son ensemble avant de s'engouffrer dans la finesse des détails et des perspectives vertigineuses. Son univers de science-fiction atteint la même profondeur grâce au métissage de références historiques et littéraires avec un contexte futuriste. Enchaînant les albums hors normes, Druillet a étendu son influence sur des générations de dessinateurs et s'est imposé en maître du neuvième art. Un art qu'il délaissera ensuite pendant quatorze ans pour donner d'autres dimensions à ses images, se lançant dans la sculpture, la création de mobilier, explorant le cinéma d'animation et les images de synthèse.

"Chaos" célèbre son retour à la bande dessinée ainsi que la résurrection du rebelle Lone Sloane. Le sarcophage du héros est acheminé en grande pompe sur la planète Kazhann. Mais une ombre se glisse près du cercueil. C'est Légende, une femme bleue qui redonne vie à Sloane. Ensemble ils se dressent contre Shaan, incarnation du Mal, qui régnait tranquille depuis la disparition du "chien aux yeux rouges". Cet album s'inscrit dans la continuité de l'oeuvre du dessinateur. La fine trame de l'histoire soutient comme un faufil le riche habillage graphique qui nous enveloppe dans l'univers Druillet. La découpe dynamique des cases s'accorde avec les vues plongeantes sur des paysages désolés et des architectures où les vestiges jaunis du passé sont rongés par le métal bleu. La plume cisèle les rouages de cette machinerie folle puis se libère sur la pleine page dans des fonds brossés au pinceau. Et le souffle lyrique des textes, émaillés de vers du XIXe siècle contribue encore à nous emporter dans cet opéra visuel.

Sophie Ravaux-Zoëll (srz)

Bibliographie de Philippe Druillet